- Mathilde
QUI ÉTAIT GEORGE MALLORY ?
L’alpiniste, également philosophe, né dans le comté de Cheshire en 1886 a fait naître des légendes dont les échos ont traversé les reflets les plus escarpés jusqu’aux mains de Patrick Imbert, réalisateur du film Le Sommet des Dieux.
Ce film issu d’une double adaptation, le manga Le sommet des Dieux de Jirō Taniguchi, œuvre fleuve en cinq tomes, lui-même basé sur une idée originale du romancier Baku Yumemakura ; est programmé au Zola le 14 octobre à 20h30.
À 18 ans, George Mallory arbore fièrement une première saison dans les Alpes. Il viendra, avec celle-ci, le goût de l’ascension mais également les risques de ces montées vertigineuses. Les défis s'enchaînent, la concurrence est rude et le moment de consécration approche.
En 1924, il tente l’une des voies situées au sud-ouest de l’Himalaya, réputée pour être une ascension périlleuse. Son partenaire Andrew Irvine, se lance avec lui dans cette quête. Malheureusement, ils ne reviendront pas de ce périple, et avec eux le mystère de l’atteinte du point culminant de la montagne…
Yumemakura prend appui de ce récit montagneux, mis en images plus tard par Taniguchi dont la version française de son manga est paru chez Kana entre mars 2004 et mai 2005. C’est ainsi que deux nouveaux personnages fictifs entrent en scène, Fukamachi, photographe pour une revue spécialisée et Habu Jôji, ancien alpiniste de renom.
Le film de Patrick Imbert débute dans les ruelles de Katmandou et nous plonge dans l’atmosphère duveteuse de la vallée, où le soleil rayonne plus fort qu’ailleurs. Fukamachi manque l’occasion d’acquérir le fameux Kodak Autographic, héritage de Mallory contenant la dernière pellicule pouvant lever le voile sur de nombreuses questions en suspens. De cette opportunité gâchée, Fukamachi s’entête d’une lubie, retrouver le nouveau propriétaire de l’appareil, qui n’est autre que Habu…
En partant de matériaux aussi riches, établis et documentés, Le Sommet des Dieux était un défi à relever depuis la négociation des droits avec les auteurs, la remise en forme du scénario jusqu’à la création d’une nouvelle imagerie autour de cette œuvre.
Jean Charles Ostorero, coproducteur pour Julianne Films et aide au scénario du Sommet des Dieux, en tournée dans les salles régionales, raconte :
«Ce scénario, on a mis beaucoup de temps à l’écrire, j’ai d’abord commencé avec Erri De Luca, un grand alpiniste lui-même, mais surtout connu pour être un grand romancier Italien […] puis avec Patrick, qui s’est impliqué de plus en plus dans le projet, au départ seulement impliqué dans la création de personnages […] ça a pris quasiment plus de quatre ans pour des milliers de pages jetées. »
En effet, sur plus de 350 pages pour chaque tome, certains passages ont dû être raccourcis voire coupés, tout en gardant l’esprit du manga. Jirō Taniguchi, de son côté, fait ses classes à l’école européenne auprès de Moebius avec Icare. Ce savoir-faire ne le quitte pas et devient sa porte d’entrée dans un monde en noir et blanc. Il conserve un style plutôt épuré, nourri par la bande dessinée européenne. Les traits, en apparence simplistes, font de ceux qui restent une ambiance très immersive à l’image, à la manière du film :
«Taniguchi avait lui-même fait des recherches iconographiques très poussées dans la montagne […] Nous on est allés dans cette direction-là. »
Le choix de la 2D rend d’autant plus intéressant l’esthétique du film. Le manga, déterminé par sa planitude rencontre des problématiques évidentes de volume, palliées par des outils que l’on appelle des trames, servant à ajouter des ombres, textures à un objet dans un manga. Dans le Sommet des Dieux, c’est l’utilisation des lumières et des couleurs qui prennent le relai et apportent un nouvel effet de style : « Le choix d’un film d’animation s’est imposé par le manga […] c’est ce qui a sûrement séduit Taniguchi, peut-être qu’il y avait chez lui une frustration d’avoir uniquement des œuvres adaptées en live action, alors que lui-même vient du monde du dessin. »
Ces ambiances permettent de faire ressortir la singularité d’un autre personnage du film, pas moins des plus massifs, l’Everest lui-même. L’univers sonore a lui aussi été soigneusement réfléchi : « La musique est un travail d’accompagnement, faite par Amine Bouafa. Plus on monte en altitude, moins on parle, c’est normal, donc plus la musique prend de l’importance. Le travail du compositeur c'est aussi de donner une personnalité à cette montagne. »
De plus, d’autres alpinistes professionnels comme Charlie von Der Elst et Vincent Vachette (ayant fait deux fois l’Everest) ont apporté leurs points de vue afin de nourrir ce réalisme.
Le Sommet des Dieux, par sa diversité de paysages, une intrigue sur le dépassement de soi, tout en reprenant partiellement les codes graphiques du manga, permet à tout spectateur-rice de trouver son compte. Cela dit, il garde bien en tête une philosophie orientale, le voyage comptant bien plus que sa destination.