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  • Mathilde

Rencontre avec : Caru Alves de Souza, RÉALISATRICE

Depuis le 22 septembre et jusqu’au 6 octobre, le Zola vibre aux couleurs des Reflets, le festival mettant à l’honneur le cinéma ibérique et latino-américain ! Lorsque les séances ne sont pas publiques, ce sont les collégiens, lycéens et autres apprentis qui s’installent sur les sièges du cinéma. La projection de Je m’appelle Bagdad, vendredi dernier, était l’occasion pour ces étudiants d’une rencontre avec la réalisatrice du film, Caru Alves de Souza.


Ce que l’on appelle Freguesia au Brésil, correspond aux quartiers populaires à mi-chemin entre la périphérie et le centre d’une ville. São Paulo est l’une des communes au cœur de l’équilibre social et économique brésilien. Dans ses ruelles, ses places historiques, naviguent à l’occasion des bandes vagabondes de jeunes skateurs. Sur les hauteurs de la ville, une jeune fille, Badgad, incarnée par Grace Orsato, et ses amis se rejoignent quotidiennement pour s’entrainer, faire des tricks et se filmer entre eux.


Partie du livre Bagdá o skatista (Bagdad le skateur) de Toni Brandão, la réalisatrice transpose le point de vue du protagoniste principal en le féminisant. Un choix qu’elle souligne par l’introduction d’éléments biographiques : « J’ai toujours été entourée par des femmes, c’est le point de départ. Ces milieux ont toujours été dominés par des garçons. Le reste, c’est de la fiction. »


La rue est un espace majoritairement dominé par les hommes, un phénomène inégalitaire sur lequel revient Edith Maruéjouls, directrice du bureau d’études l’ARObE (L’Atelier Recherche Observatoire Egalité) dans le podcast « Mansplaining », hébergé par Slate.fr : « Longtemps le discours a été de dire "Je construis un équipement, les filles n’y vont pas, c’est qu’elles ne veulent pas y aller". En réalité, entre avoir le droit de quelque chose […], ce qui est le fondement égalitaire […] et puis "Je veux faire quelque chose", ce qui est aussi une question légitime, c’est-à-dire, l’égale liberté […] c’est quelque chose qui est constitutionnel aussi de la relation. Entre ces deux notions, il y a celle du "Est-ce que je peux le faire ?". C’est la mise en scène de la question du pouvoir dans toutes ses grandes lignes. »

En effet, Je m’appelle Badgad présente bien l’exclusion féminine dans les espaces de loisirs. Partager le même sport, ce n’est pas forcément faire le partage d’espace ou même, de parole.


Pour poursuivre cette représentation féminine de l’espace et ces enjeux de sororité, Caru Alves de Souza accorde le format d’image du film à cette volonté : « Ce n’est pas un format télévisuel mais pas un écran large non plus. […] Le film est toujours très proche des actrices et acteurs, je ne voyais pas l’intérêt d’être aussi large. »


Bagdad tient souvent son camescope au poing pour filmer cette partie de sa vie : « Je voulais qu’il y ait deux points de vue : celui du réalisateur et celui des skateurs. Quand j’ai constaté qu’ils se filmaient, j’ai voulu introduire ce point de vue dans le film. J’ai regardé de nombreux films sur le skate, et je ne voulais pas qu’il y ait de rupture de qualité entre l’image que peut faire un réalisateur et l’image un peu plus amateure. Ce que j’ai proposé à la directrice de la photographie (Camila Cornelse, ndlr), c’est que l’image du réalisateur s’adapte à la photo amatrice. C’est pour cela qu’il y a une caméra plus documentaire que l’autre, qui veut accompagner le personnage plutôt que le diriger en lui disant ce qu’il doit faire devant la caméra. ». L’aspect documentaire est d’autant plus renforcé par la présence d’acteurs non professionnels du côté des skateurs.

Je m'appelle Bagdad, (Caru Alves de Souza et al.,2021)

D’autres franges et espaces de la population brésilienne, et d’autres aspects plus intimes de la vie de Bagdad sont mis à l’écran. Micheline, sa mère s’occupe également des deux autres sœurs de l’héroïne, des moments familiaux saisis par une palette de couleurs spécifique :

« Les espaces privés sont pleins d’affection, d’amour. Pour la maison de Micheline j’ai choisi des couleurs directement liées à l’affectif, d’où le rouge, le rose et le violet. J’ai pensé cet espace comme un utérus, l’aspect maternel avec des textures et des couleurs qui le rappellent également. »


Quant aux autres personnages qui gravitent autour de ce cocon familial, ils sont aussi issus de minorités ou font l’objet d’une marginalisation : « São Paulo est une ville très oppressante pour les femmes. Pour diverses raisons, elles n’arrivent pas à circuler de manière libre à cause du harcèlement de rue […] La jeunesse est souvent marginalisée, investir les lieux et espaces en faisant du skate est déjà un acte politique. ». Le salon de coiffure fréquenté par Bagdad et sa famille est également tenu par des personnes transgenres : « Le point de départ c’est de raconter une histoire de femmes marginalisées et rajouter d’autres personnages marginalisés. J’ai voulu regrouper ces personnages afin qu’émerge d’eux une force par l’union. »


Pour découvrir le film, rendez-vous le mardi 5 octobre au cinéma les Alizés de Bron dans le cadre du festival les Reflets !

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