- Manon Ruffel
Spectre : Sanity, Madness & The Family
Spectre : Sanity, Madness & The Family est l’un de ces objets filmiques qui nous restent longtemps en tête. À la croisée du documentaire, de la fiction et de l’œuvre musicale, le premier long-métrage de l’artiste Jean-Baptiste de Laubier, plus connu sous le nom de Para One, surprend, émeut, et déborde d’intelligence.
Œuvre hybride, Spectre : Sanity, Madness & The Family s’ouvre avec ces mots : « this is truth and fiction ». Cette ambivalence est le fil rouge du film et participe du mystère qui l’accompagne. Car Spectre : Sanity, Madness & The Family est un subtil mélange entre un récit intime et familial, et une mise en scène fictionnelle.

© UFO Distribution
« Il était nécessaire pour moi de mélanger la fiction au documentaire. D’abord pour protéger la sensibilité de certaines personnes de ma propre famille, qui ont choisi l’anonymat. Mais aussi parce que dans toute mémoire, il y a une part de reconstruction. Ce récit que l’on se fait de son histoire, j’ai choisi d’en assumer la part d’imaginaire. Elle s’incarne ici par des acteurs qui rejouent des scènes parfois authentiques, parfois écrites selon le principe de l’autofiction. Ces performances cohabitent avec des photos et des enregistrements documentaires, ainsi que des images de ma famille que j’ai moi-même tournées depuis plus de vingt ans. ». Jean-Baptiste de Laubier (Para One)
Spectre : Sanity, Madness & The Family est une quête musicale qui s’étale sur cinq années durant lesquelles Para One a retracé le récit de sa famille et de la communauté sectaire dont ils ont fait partie. Au fil du film et des enregistrements sur cassettes, semble se reconstruire une mémoire, qui bien que partiellement fictionnelle (mais n’est-ce pas là le propre de la mémoire ?), nous parait pourtant si intime, si palpable.
« Il peut y avoir une indécence à aborder des sujets si proches de soi. Mais je crois que c’est là mon seul rapport possible à l’imaginaire et peut-être même à la fiction. » Jean-Baptiste de Laubier (Para One)

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La figure de Chris, le gourou de la communauté, s’introduit au détour de mystérieuses séances de thérapie dans la psyché de ces personnages sans visages, dont Para One nous révèle peu à peu les clés de lecture. Un état de transe transperce alors le film et le spectateur, dont les images hybrides (archives personnelles, images recolorisées comme des images mentales, images au présent) et le travail sonore se font les vecteurs. Para one nous offre avec Spectre : Sanity, Madness & The Family une expérience sensorielle, reflet de son pèlerinage musical qui l’a mené jusque sur les terres d’Orient filmer les musiques sacrées des communautés pour retrouver cet état de transe et reconstruire peu à peu la musique de son enfance, celle que Chris leur faisait écouter lors des séances de thérapie.

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Spectre : Sanity, Madness & The Family est un film fascinant dans ce qu’il a de mystique, de spirituel et de psychanalytique. Il nous met face à la puissance de la nature qui nous transcende, questionne le monde humain et celui du non-humain, le rêve de la communauté, et surtout, nous offre des moments musicaux à couper le souffle qui font l'objet du nouvel album de l'artiste intitulé Machines of Loving Grace. A la fin de ce voyage hypnotique dont le montage fait la force, tout semble alors prendre sens, comme si tous les chemins empruntés par le film s’étaient rejoints et que toutes les connexions s’étaient établies, à la fois pour le cinéaste, et au sein du film.
Spectre : Sanity, Madness & The Family est à voir au Zola le 2 novembre à 18h45. Il est précédé du court-métrage Dustin réalisé par Naïla Guiguet, qui fait le portrait d’une personne trans au détour d’une soirée techno.