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  • Quentin A.

THE LIGHTHOUSE : Regarder dans l'abîme et devenir la mer elle même

Dernière mise à jour : 9 nov. 2020

Au vacarme de l'amer, se déchaîne un film-phare, imprévisible & sensoriel, guidant les fêlés vers d'ineffables mouettes et sirènes d'effroi.



L'HISTOIRE

Au large de la Nouvelle-Angleterre, vers la fin du XIXème siècle, deux gardiens de phare débarquent sur un îlot isolé pour une mission de quatre semaines loin des terres et de la civilisation. Un vieux loup de mer pétomane et autoritaire (Willem Dafoe, tout Melvillien) et un jeune bûcheron torturé et sans expérience (Robert Pattinson, acteur changeant, toujours aussi habité) vont devoir travailler de concert pour entretenir ce phare et ces baraquements usés par les éléments. Mais la surveillance de la lumière est le travail exclusif du capitaine Tom (Dafoe) et pas question pour le jeune bleu Winslow (Pattinson) d’y accéder dès sa première garde. Et voilà déjà que les flots se déchaînent, et les contours de leurs lourds secrets se dessinent, au rythme des vagues qui se fracassent, des corvées qui épuisent le jeune Winslow, et du grondement assourdissant de cette sirène à vapeur qu’il faut toujours alimenter et qui se rappelle sans cesse à eux.


Ô matelot ! Prend garde à cette lumière éblouissant la vérité, et ces chimères brumeuses fracassant les vagues sur ton corps frustré. 

LA BANDE-ANNONCE


Quatre ans après une arrivée par la grande porte du cinéma d’épouvante folklorique (The Witch - 2015), qui avait marqué les esprits et fait naître beaucoup d’espoirs, Robert Eggers vient confirmer nos attentes, et une tendance, celle d’un renouveau spectaculaire du cinéma d’épouvante US après une décennie d’errements, dans le sillage de Jordan Peele ou Ari Aster. The Lighthouse permet non seulement à Eggers de poursuivre ses obsessions, ici plus cinématographiques qu’historiques (avec notamment un superbe noir et blanc ainsi qu’un format changeant entre un 1:85 panoramique et un format carré en 1:22 des origines), mais surtout de l’affirmer comme un metteur en scène d’exception, alternant par un montage elliptique soigné les visions cauchemardesques et les verbeux dialogues d’ivrognes de nos deux unique protagonistes. Les histoires de marins sont les meilleures histoires, celle-ci devrait vous empêcher de dormir à n’en pas douter.


"Hypnose" (Sascha Schneider, 1904)

The Lighthouse (Robert Eggers, 2019)

Car la force d’Eggers, après The Witch et sa longue et lente montée en pression, c’est ici au contraire l’intensité brutale de la mise en scène de ce film bavard à en perdre son souffle qui nous rappelle que si ces images terrifiantes sorties de chez Murnau ou Dreyer vont nous hanter pendant longtemps, c’est par le récit et au travers de ce furieux duel d’acteurs que le film entend nous faire perdre pied. Des longues tirades bibliques de Dafoe, aux crises de rage de Pattinson, The Lighthouse nous happe, nous aspire dans un maelstrom de lumières et de ténèbres pour que cette histoire d’ivresse, de sirènes et de mouettes dévoreuses de chair humaine nous fasse éprouver une peur, celle du néant, une vraie peur de cinéma.



“Le bord du tourbillon était marqué par une large ceinture d’écume lumineuse ; mais pas une parcelle ne glissait dans la gueule du terrible entonnoir, dont l’intérieur, aussi loin que l’œil pouvait y plonger, était fait d’un mur liquide, poli, brillant et d’un noir de jais, faisant avec l’horizon un angle de 45 degrés environ, tournant sur lui-même sous l’influence d’un mouvement étourdissant, et projetant dans les airs une voix effrayante, moitié cri, moitié rugissement, telle que la puissante cataracte du Niagara elle-même, dans ses convulsions, n’en a jamais envoyé de pareille vers le ciel.”

Une descente dans le Maelstrom (1841) - Edgar Allan Poe

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