- Clara
The Wicker Man
Rêve éveillé, rituel païen, comédie musicale, structure policière, une redécouverte indispensable, proposée par le toujours pertinent distributeur Lost Films.

Seargent Howie
“Don't you see that killing me is not going to bring back your apples?”
The Wicker Man est réalisé en 1973 par Robin Hardy. Premier long métrage de son auteur, The Wicker Man nous conte l’histoire du sergent de police Neil Howie (Edward Woodward) à la recherche d’une jeune fille disparue à Summerisle, petite île isolée des Hébrides. Ce qui paraît au premier abord être un simple film policier se transforme rapidement en œuvre fantastique et fantasmagorique autour de la fête païenne de Beltaine (1er mai) célébrée par les habitants de l’île.
Cet élément festif traditionnel inscrit le film de Hardy dans la sainte trinité de la folk horror britannique aux côtés du Grand inquisiteur (Witchfinder General, Michael Reeves, 1968) et La Nuit des maléfices (The Blood on Satan’s claw, Piers Haggard, 1971).
Ces trois productions tirent leur inspiration des racines de la littérature anglaise auprès d’auteurs tels que M.R. James (Collected Ghost Stories), ou Arthur Machen (La Pyramide de feu) ayant exploré les tréfonds de l’époque édouardienne et victorienne. On y retrouve donc des éléments communs d’une inquiétante étrangeté : le paganisme et ses traditions, les légendes obscures, les fêtes honorant des dieux d’anciennes religions étouffées par le christianisme. La nature est elle aussi omniprésente et peut, parfois, être considérée comme un personnage à part entière.
Aujourd’hui encore des artistes comme Ari Aster et son célèbre Midsommar s’inspirent de ces mythes de la terre. On se demande alors quel est le but des réalisateurs au travers de ces créations. Pourquoi revenir à ces histoires archaïques ?

Les films dits de « genre » (horreur, fantastique, science-fiction, bis…) sont tout autant ancrés dans le présent que le reste de la production cinématographique. Ils interrogent donc les spectateurs sur leur environnement, leur société, et les grands courants politiques, idéologiques et sociétaux qui les traversent.
La folk horror, elle, soulève deux faits bouleversants. Le premier est la perte de contact progressive avec la nature et donc avec notre passé. Les paysages sont modifiés, les traditions sont perdues, la technologie et l’industrialisation prennent peu à peu le dessus sur les terres pour les transformer en villes, en routes, en zones commerciales… L’autre fait est la modification profonde de la chrétienté. Elle se réinvente et s’adapte à notre temps, d’autres courants émergent, et de nouvelles pensées se développent pour trouver des réponses aux problèmes sociétaux actuels. Ces deux éléments suscitent ainsi chez le spectateur un vif intérêt, et une peur profonde. Une peur du passé qu’il ne maîtrise plus, une peur du futur qu’il ne maîtrise pas, et une peur des courants religieux alternatifs.

The Wicker Man expose parfaitement cette situation : le sergent Neil Howie est témoin de notre présent et s’en va des grandes terres pour rejoindre un lieu insulaire isolé, et les habitants de l’île sont témoins du passé, y vivent encore et le perpétuent au travers de leurs traditions.
L'œuvre nous interroge alors sur nos propres croyances. Ici, deux clans se font opposition, le moral et l’immoral, la civilisation et la nature. Mais qu’est-ce que la moralité ? A partir de quel moment arrive l’intolérance face aux mœurs d’autres civilisations ? Qu’est-ce qui est tolérable et intolérable et comment dépasser ses propres convictions pour s’ouvrir à celles des autres ?
Pour répondre à ces questions, nous vous invitons dès que possible à revenir en salle pour admirer la très belle restauration de l'œuvre par Lost Films dans sa version final cut. Au programme : des rubans colorés, des robes blanches, des personnages surréalistes, et un Christopher Lee surprenant dans un rôle qui ne vous décevra pas …
